Les Français, attachés à la propagande électorale papier

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François-Noël Buffet, Sénateur du Rhône, Président de la Commission des Lois, est le Rapporteur de la Mission d’information sur les dysfonctionnements constatés pour la distribution de la propagande électorale lors des élections régionales de juin 2021. L’occasion de mettre en perspective les interactions entre imprimé et démocratie.

De graves dysfonctionnements dans la distribution des professions de foi ont été constatées lors des élections régionales, quelles en sont les principales causes ? 

Cela vient principalement de la société Adrexo, qui était titulaire de près de la moitié des lots du marché de distribution passé par le Ministère de l’Intérieur et qui n’était pas en capacité de remplir une telle mission de service public car elle ne disposait pas des compétences professionnelles pour ce faire.

Si la société semble performante pour distribuer des imprimés publicitaires, des courriers non adressés ou des colis adressés, faire parvenir en masse des plis nominatifs ne fait visiblement pas partie de son savoir-faire. Adrexo n’avait pas le personnel formé pour ce défi logistique : elle a embauché des intérimaires, sans vraiment les former, là où La Poste utilise ses facteurs et des intérimaires qui connaissent déjà le métier ou sont formés trois jours au lieu de trois heures pour cette société…

Une deuxième cause vient des retards liés à la production des professions de foi entre les deux tours. Les routeurs se sont retrouvés en grande difficulté, à la fois compte tenu du volume mais aussi de la qualité des documents donnés par les imprimeurs. Sans que ce soit de leur fait, ceux-ci ont dû produire plus que prévu  : tout était calibré pour un deuxième tour avec des triangulaires, or il y a eu de nombreuses quadrangulaires. Les imprimeurs ont dû fournir énormément. Certains papiers n’étaient pas suffisamment secs pour aller dans les machines des routeurs qui ont eu des problèmes techniques.
Toute cette chaîne de dysfonctionnements a induit des retards importants. Les professions de foi auraient dû arriver jeudi soir, elles sont arrivées parfois même le samedi matin chez le distributeur !

Quelles recommandations préconisez-vous ?

Nous nous sommes rendus compte que les Français sont très attachés à l’arrivée de la propagande électorale dans leur boîte aux lettres. Des remontées ont eu lieu dans tous les départements. Pour certains, cela leur rappelle qu’il y a une élection et pour la majorité d’entre eux, ils les lisent vraiment et forment parfois leur conviction à ce moment-là, ce qui est intéressant à étudier d’un point de vue politique. Ils sont donc très attachés à la propagande.

La propagande papier n’est pas à remettre en cause.

Pour les prochaines élections, compte tenu de la situation décrite par la commission des lois, le Gouvernement va probablement modifier le marché. Il n’est pas exclu qu’Adrexo se retire et que tout soit confié – comme c’était le cas du précédent marché de distribution – à La Poste si celle-ci est en mesure de garantir la bonne exécution de sa tâche, dans les délais impartis et de façon efficace.

Le papier est-il toujours un gage d’universalisation de l’information ?

Le papier a de l’avenir et c’est une bonne chose. On a tort d’imaginer que tout le monde est équipé et en capacité à accéder aux informations qui seraient proposées par voie électronique. Avec l’envoi des professions de foi dans leur boîte aux lettres, les 49 millions de Français sont traités de manière équitable ; C’est absolument nécessaire. Il pourrait certes y avoir une propagande dématérialisée, mais il est impensable que tout le soit.

Sur le vote proprement dit, voyez-vous une utilisation du numérique prochainement ? Va t-on vers le vote par internet ?

Pour les machines à voter, le Gouvernement a instauré un moratoire, même si certaines communes l’utilisent depuis très longtemps. Globalement, ce vote n’a pas une portée importante. Il faut se déplacer pour assurer la sécurité du vote. C’est-à-dire que ceux qui votent le fassent dans l’isoloir, sans pression. C’est le seul moyen de garantir le secret. Pour autant, la question du vote par correspondance est revenue dans le débat : cette modalité n’est pas inintéressante mais compliquée à mettre en place dans son processus puisqu’elle nécessite de revoir les délais d’envois des documents. Elle obligerait à revoir le calendrier actuellement retenu pour toutes les élections – à l’exception de la présidentielle – qui ne comporte qu’une semaine entre le premier et le deuxième tour. En outre, ce vote, qui a existé jusqu’en 1975, a été arrêté afin de lutter contre la fraude.

Je pense que le vote sur mobile ou tablette arrivera un jour. La vraie question concerne la sécurisation. C’est pour cette raison que les gouvernements successifs, comme le Gouvernement d’Emmanuel Macron, ne souhaitaient pas s’engager dans cette voie. Certaines pistes de réflexion s’appuient sur le numéro de sécurité sociale, mais cela sera pertinent et possible quand nous aurons tous un numéro unique, ce qui n’est pas le cas pour le moment.

Dans les départements où la propagande électorale imprimée n’a pas été distribuée correctement, la participation a été largement moindre…

Donc il existe bien un effet réel. C’est le gage d’une égalité de traitement de tous les Français. Il faut s’assurer de la sécurité du vote individuel et libre. Comment faire voter 47 millions de Français le même jour avec un système informatique parfaitement faible sans bug et sans attaques ? Là encore, le vote électronique serait l’exception et non la règle, qui restera de se déplacer…

Propos recueillis par Patricia de Figueiredo

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