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Député de Château-Thierry, (qui a vu naître Jean de La Fontaine, Alexandre Dumas et Paul Claudel) personnalité du monde politique spécialement investie dans le domaine du livre, du papier et de la francophonie, Jacques Krabal a confié à Patricia de Figueirédo et Olivier Le Guay, sa vision des choses. De la francophonie à la dématérialisation des professions de foi, retour sur des débats structurants notre société…

krabalLe papier est encore réduit à des contre-vérités comme « le papier tue les arbres », « le papier est obsolète » comment combattre ces idées reçues ?

Plus les idées reçues sont grosses, plus il est difficile de les faire disparaître, notamment celles qui associent papier et déforestation, alors que nous savons que ce n’est plus le cas, en ce qui concerne notre industrie papetière française. Il y a encore un effort de pédagogie à effectuer au cours de cette nouvelle législature.

Quelles sont les actions prioritaires qu’il faut mettre en chantier pour cette filière et sur lesquelles vous souhaiteriez associer toutes les bonnes volontés de votre assemblée ?

Il faut redonner une image moderne du papier. Je sens que certains de mes collègues considèrent que le modernisme est forcément lié à l’innovation technologique et pour cela, ils ne cessent de nous le démontrer en pensant qu’ils sont dans l’ère du temps. Nous devons mettre en place des rencontres et discussions avec les élus qui sont engagés dans des startuppers et la technologie high-tech, car pour eux, la notion de papier correspond à une image passéiste. ll faut rétablir les choses. Ce n’est pas la guerre de l’écran contre le papier, cette ligne a toujours été un fil conducteur très fort du groupe d’études de la précédente législature. ll y a des hommes et des femmes qui veulent porter une certaine idée du papier, sans refuser ce qui se passe à côté. Or les opposants au papier sont, quant à eux, dans une posture très radicale et partisane. Ainsi, il y a l’innovation et dans le même temps, un support qui est un fondement de la civilisation, qu’on ne doit jamais oublier mais qui s’ouvre lui aussi, vers l’avenir et vers l’innovation. Le papier est l’une des matières premières qui a le plus fait sa révolution.

En politique, il joue encore un grand rôle, pourtant, chaque année, la volonté des pouvoirs publics de dématérialiser les professions de foi revient ? Pourquoi un tel acharnement ?

Pour des raisons strictement économiques mais qui, en fait, rapporteront très peu au budget de l’Etat.

Bien sûr, nous utilisons les réseaux sociaux et les outils de communication moderne, mais pas seulement. Et ce serait une erreur de dématérialiser la propagande électorale. En France actuellement, il existe des territoires entiers qui n’ont pas accès au numérique, que ce soit par la géographie ou les conditions économiques. Et cela pourrait être perçu comme de la provocation et renforcer ce sentiment d’isolement. Alors que le papier, quand la Poste marche, est accessible à tout le monde. Quant au vote électronique, rien ne garantit qu’il soit secret. Aujourd’hui le vote, tel qu’il est organisé dans les démocraties, doit être maintenu dans ses aspects de base. La dématérialisation, à la fois des professions de foi et du vote en lui-même, me parait très interpellant pour le fonctionnement de notre démocratie.

Au niveau de la communication électorale, le papier est un support incontournable au niveau de l’expression.

À l’heure où nous vivons une forte abstention, je pense que tous les moyens doivent être utilisés. La démocratie est tellement fragilisée que nous devons donner du sens à l’action citoyenne. Le papier y contribue, tout comme la reconnaissance du vote blanc et l’instauration du vote obligatoire.

On ne peut pas vouloir jouer le rôle de citoyen sans participer aux élections. Ce sont des combats que je reprendrai, au nom de LREM dans les mois qui viennent, et qui nécessitent un vrai débat.

Votre circonscription et votre ville Château-Thierry sont riches d’un passé francophone. Vous avez, à ce propos, voulu sauver le château de Villers-Cotterêts en mettant en avant ce qu’il représentait pour le patrimoine francophone. Où en est cette initiative et quelles sont vos autres actions dans ce domaine ?

Je vais m’engager fortement, au cours de ce mandat, sur la Francophonie. Le Château de François 1er est le lieu où sont nées les Ordonnances de 1539 qui promulguaient le français, en se substituant au latin. Emmanuel Macron, que j’ai invité au Château François 1er, s’est engagé fortement à ce sujet, en rappelant que le français a contribué à l’unité du pays. Comme disait Jean de La Fontaine : « Toute puissance est faible à moins que d’être unie ». S’appuyer sur le français comme base culturelle, linguistique permet l’influence de la France dans plus de 80 pays francophones, et sur 280 millions de locuteurs. C’est la base et le support, le lien indéfectible qui unit à la France, Léopold Cedar Senghor, Norodom Sihanouk ou Aimé Césaire. Le français véhicule l’universalité des valeurs, l’ouverture sur le monde qui doivent être maintenues.

Mais, dans le même temps, nous avons sous-estimé que la langue demeure aussi un outil de développement économique, au service du commerce, des avancés technologiques. Je suis convaincu que l’espace francophone à travers l’Office International de la Francophonie, ne sera plus seulement entendu à l’ONU, mais aussi à l’organisation Mondiale du Commerce ou au sein de l’organisation des Droits de l’Homme. Il y a un véritable enjeu de montrer qu’apprendre le français aujourd’hui est un atout pour favoriser le développement économique, l’emploi, faire reculer l’insécurité et lutter contre le terrorisme.

C’est pourquoi nous devons renforcer tout ce qui touche à la formation et à l’éducation du français dans les pays francophones et même ailleurs comme en Chine, au Laos, ou au Cambodge, où le français demeure très attractif. Nous devons, à nouveau, à travers des bourses, réactiver la venue d’étudiants étrangers car nous avons régressé à ce niveau. Réécrivons un autre monde! Quand Emmanuel Macron veut réorienter l’Europe et le monde, cela doit se faire avec l’appui de la francophonie.

En 2018, il yaura un plan de la francophonie. Il doit aussi trouver son appui sur le support papier.

Le français est une langue vivante, avec des mots qui meurent et d’autres qui naissent ?

Tout à fait. Erik Orsenna qui a écrit un livre magnifique sur Jean de la Fontaine est venu à Château-Thierry et nous a parlé de la naissance des mots. Comment fait-on pour créer un mot ? Il souhaitait vulgariser « Champagner » qui veut dire boire du champagne. Quand on « champagne », on partage un breuvage, des éléments de convivialité et d’humanité. Dans son premier chapitre, il l’utilise trois fois.

Personnellement, vous allez vous engager aussi à l’Assemblée Nationale ?

Aujourd’hui, je suis le Président délégué de la Francophonie pour remettre en place la délégation comprenant 90 députés et 60 sénateurs.

La première des mobilisations reste celle des parlementaires. On ne peut pas seulement être adhérent à un groupe comme celui-ci, il faut être militant.

Si je milite pour faire battre le cœur de la Francophonie à partir de Villers-Côterets, c’est aussi pour lutter contre l’illettrisme, dans un département comme le nôtre. L’illettrisme reste la première des injustices. Nous ne pouvons pas accepter d’avoir tant d’hommes et de femmes, et souvent des jeunes, qui n’ont pas accès à l’écriture et à la lecture.

C’est un enjeu de société et un enjeu humain. Toutes une série d’actions autour du livre, du papier mais aussi de l’écran doivent être mises en œuvre. Le Château François 1er peut être à la fois le cœur de la Francophonie, le cœur de l’Histoire de France et un formidable laboratoire de recherche et de rencontres internationales d’ouvertures et d’échanges. Chaque Président de la République a eu à cœur de marquer son mandat avec une réalisation culturelle. Je souhaiterais qu’Emmanuel Macron puisse faire du Château de François 1er l’emblème de la réalisation de son mandat Ce serait un signe fort dans un territoire rural qui souffre. La Francophonie doit être l’avenir pour le département de l’Aisne, pour la France mais aussi pour le monde. C’est la diversité linguistique. Nous ne sommes pas dans une hégémonie comme peut être l’anglais.

C’est l’occasion pour la France de retrouver de l’influence dans le monde.

Patricia de Figuéirédo
Directrice de la Communication de la Commission Malraux
Olivier le Guay
Directeur de la revue Culture Papier